Aperçu  des sculptures qui seront présentées lors de ce colloque

 

 

« Eprouver » a la double acception de ‘sentir’ et de ‘mettre à l’épreuve’.

C’est un terme particulièrement adapté lorsque l’on cherche à rendre compte du travail qui s’effectue autour du lien en situation de psychothérapie.

 

« Penser » réfère à l’élaboration, c'est-à-dire au travail de transformation d’une matière psychique brute dans un processus de mise en forme, des ressentis articulés à du sens.

Conjointement à ma pratique de clinicienne, ma pratique de sculpteur prolonge mon écoute et ma pensée par une nouvelle traduction, dans une nouvelle matière, des éprouvés rencontrés en séance, ou élaboré dans l’après-coup.

 

Dans ma patientèle, je suis confrontée principalement à ce qu’on appelle « des problématiques archaïques », qui renvoient aux tissages, plus ou moins adroits des premiers liens, à une époque préverbale encore.

Je rencontre également beaucoup de situations « d’abus », au sens exact que Suzanne Robert-Ouvray donne à ce terme, c’est-à-dire l’effet d’un débordement des capacités d’intégration d’un sujet, que cela soit du côté de l’excès ou de celui de la carence.

On ne peut plus ignorer aujourd’hui l’articulation entre le traumatisme et les fragilités acquises aux premiers seuils de la relation.

On ne s’étonne pas que le travail psychothérapeutique sur les traumas revisite naturellement ces premières étapes, que l’orientation psychothérapeutique du thérapeute propose de s’y  appesantir ou pas.

Le lien psychothérapeutique est, tel que je le conçois, d’abord un lieu, géographique-psychique, amarré sur le corps du thérapeute, et dont ce que nous appelons  le cadre’ est un prolongement physique, matériel lui aussi.

La relation psychique en psychothérapie, n’est pas dématérialisée. Elle est d’emblée corporelle, d’emblée coprésence et énergie, affects et émotions, quand bien même cette présence s’exprimerait-elle par le retrait, le silence, l’effacement, l’absence.

Tout l’art de la psychothérapie se révèle dans la manière de faire avec ces modes de présences singulières, et de les accompagner dans un processus créatif partagé, parce que c’est là que réside la plus -value d’humanité qui remet la vie en marche, et que toute souffrance s’enracine dans un esseulement déshumanisant.

Mes sculptures racontent des rencontres particulières avec certaines souffrances envahissantes qui peinaient à entrer dans un contour, qui nous permettent, aux patients et à moi-même, de les identifier, les accueillir convenablement et les transformer judicieusement.

Issues de ma propre confrontation de cette matière psychique avec les matériaux à modeler et à sculpter, elles m’ont permis d’accueillir dans une forme, qui s’est chaque fois déterminée d’elle-même, ce qui se jouait dans le lien pour ce patient-là à ce moment de sa thérapie.

Elles constituent par conséquent une trace, dans l’après-coup, du processus engagé autant que de la problématique afférente, et peuvent servir encore de support pour l’élaboration lors d’un travail analyse clinique différé.

Du côté du thérapeute, elles représentent un appui efficace, pour me dégager par exemple des vécus de confusion, de désorientation, de désorganisation …qui sont le lot justement de ces zones psychiques archaïques et traumatiques.

Du côté du patient, il bénéficie par retour à travers moi de ce travail de dégagement psychique. Je suis davantage en mesure de l’accueillir, et il peut alors s’accueillir lui-même avec plus de justesse.

Je propose également à certains patients, à certains moments de leur thérapie, un travail psychothérapeutique en appui sur des médiations artistiques.

​